Il était une fois un terrain, une plaine, une vallée plate.
Au moment où nous en parlons, on peut dire qu’elle est plongée dans l’obscurité, ou plutôt que la clarté du soleil est absente.
On peut dire qu’elle est surplombée d’un lourd voile gris, aussi lourd que l’enclume, aussi gris que l’orage. Mais, au moment où nous en parlons, elle n’est caressée par aucune pluie.
On peut dire que cependant, un éclat parvient à la toucher, en ceci qu’elle est creusée de plusieurs vasques étincelantes. En fait, le lourd voile gris est une nappe de nuages, qui ne fait que cacher le ciel. Dans le ciel se trouve toute la lumière, les nuages l’atténuent simplement.

Entre les vasques le sol est de la terre qui est assez fertile pour faire pousser une herbe fine d’un beau vert bien vert. J’ajoute à cela que le gris si lourd du voile de nuages obscurcit le ciel mais possède un pouvoir magique : celui d’accentuer le vert.
Donc la position ordinaire des choses est un peu inversée, en haut, il y a le foncé, en bas, il y a le clair.
Les vasques ont toutes une belle forme de soucoupe, et elles sont remplies d’eau. L’eau possède aussi un pouvoir magique, celui de briller même quand il n’y a pas de soleil ; c’est sa ressemblance avec le verre qui veut cela.
Donc ces assiettes à soupes remplies d’argent liquide creusent le sol d’une manière régulière.
Lorsque je dis qu’elles sont remplies d’argent, ce que je veux dire en fait, c’est qu’on le devine. Plutôt, certaines sont parsemées de ronds verts, de ronds jaunes, de ronds aux teintes fanées ; parfois des ovales, parfois des bandes. Sur d’autres flottent des brindilles. Aux abords de toutes, les brins d’herbe ont une taille supérieure à celle de ceux qui poussent sur le sol ; aussi, ils sont un peu plus larges et sont accompagnés par des cousins de toutes sortes.
À la surface de certaines vasques, il y a comme un tapis… un tapis vert, un tapis vert qui recouvre tout.
L’argent que j’évoquais se trouve sous les ronds, les brindilles et les autres choses. On le distingue par reflets, il n’est pas très animé.

Une petite personne se promène entre les vasques. À un moment elle s’arrête devant l’une d’entre elles et a l’air de la contempler. Puis elle saute, à pieds joints, et disparaît sous le tapis vert qui recouvrait la vasque. Quand cette petite personne ressort, elle est couverte d’une myriade de points verts, et laisse à la surface de la vasque un trou béant dans le tapis, qui ondule en même temps que la surface argentée. Les gouttelettes qui pourraient se former sous l’effet du mouvement, de l’ondée et du plongeon sont comme absorbées par la pellicule verte. Elle fait comme la peau du lait qui chauffe.