Il m'arrive un truc étrange, c'est que je suis rassurée par la peur des autres.

J'explique : je suis rassurée parce que je ne suis pas seule à vivre ce que je vis. Je me demande pourquoi c'est si rassurant de se sentir accompagnée dans la détresse ; parce que dans l'absolu, ce que je veux pour moi et les autres, les personnes que j'aime, que je fréquente et qui m'accompagnent/que j'ai l'impression d'accompagner, c'est que tout le monde aille bien, vraiment bien, se sente bien, vraiment bien.
Lorsque j'y réfléchis, je me dis que lorsqu'on a peur ou que l'on éprouve du stress, c'est quand on fait face à une situation mauvaise, inconfortable, dangereuse, inquiétante, en désaccord avec ce qui nous anime ou ce que l'on souhaite qu'il se passe, ce vers quoi on voudrait tendre de manière générale.
 On peut se sentir bouleversé.ex, déstabilisé.ex, perdu.ex.
On cherche à en sortir par des moyens plus ou moins démonstratifs, plus ou moins virulents, plus ou moins efficaces ; Il y a aussi une réaction existante qui s'apparente, pour moi, à la paralysie générale et totale, à une crise d'immobilisme.
Quand je suis comme ça je me sens 1comme un lapin dans les phares, ou bien 2comme dans un arrêt sur image.
version 1 Vite ! La lumière s'abat sur toi, que fais-tu pour réagir ?
version 2 Attends ! Arrête d'être en mouvement, il faut analyser la position dans laquelle tu te trouves pour essayer de tout comprendre.

Donc, je ne sais pas exactement quelle image mes ami.exs, ou autres personnes, poseraient sur ce genre de situation. Mais ce que je sais c'est que je ne souhaite rien d'aussi inconfortable, ni aux autres ni à moi-même.
Plus haut j'ai écrit que j'étais rassurée par la peur des autres ; ce n'est pas exactement vrai, je suis rassurée de ne pas être seule. Peut-être que je suis rassurée d'avoir le sentiment de pouvoir aider lorsque ce n'est pas moi qui ai peur, mais dans les cas où nous sommes plusieurs à être habité.exs par les mêmes craintes, alors je ressens le nombre comme un refuge.

Si on partage une crainte à plusieurs alors on peut faire une équipe pour trouver ensemble un moyen de contourner le problème, on peut faire une pyramide pour surmonter l'obstacle, on peut faire une cordée pour grimper la montagne. On peut faire un plan secret pour organiser la fuite. On peut faire une manifestation ensemble pour refuser en bloc. On peut se transformer en tente pour abriter les autres et échanger les places quand il y en a besoin. On peut récolter les larmes pour s'en souvenir, puis les laisser sécher pour qu'elles disparaissent.

Je parle de ça ici, parce que j'ai le sentiment d'être entourée d'ami.exs qui éprouvent des sensations de peur, d'angoisse, des sentiments d'imposture, d'incertitude à l'égard du futur.
Les personnes à qui je pense ici sont, comme moi, en études supérieures d'art ou bien ont terminé des études supérieures d'art, en majorité, mais il y en a aussi qui sont ancrées dans des contextes tout à fait différents. Cela dit, les choses que j'évoque sont pour la plupart des réflexions issues de ce contexte particulier d'école d'art, de « monde de l'art », de cercle social lié à ces deux milieux.

Plus le temps passe, plus on dirait qu'il est nécessaire de partager ses peurs pour construire de nouvelles choses.
Il faut se détacher des injonctions nocives pour arriver à y voir clair, mais c'est un travail dur à entamer seul.e, surtout quand les ressources psychologiques, matérielles, sociales et financières sont inégalement réparties entre les personnes.
Il faut aussi apprendre à ne pas avoir peur d'avoir peur,
il faut également apprendre à le partager avec d'autres personnes si l'on en ressent le besoin...

Bref, bref, bref...
est-ce que c'est vraiment normal qu'autant de gens se retrouvent confronté.exs à la peur panique de « ne pas y arriver en sortant de l'école » ?
c'est la vision de tout le travail qu'il y a à faire pour accéder à des espaces safe qui est terrifiante ? Qui fait se sentir... paralysé.ex ?
Je me sens fatiguée parfois d'avoir à faire les analyses et décorticages d'un environnement violent et nombriliste qui ne se remettra pas en question, alors...
alors mettons notre énergie à prendre soin de nous et des autres et à construire autrement des choses ensemble, peut-être.
car autour de nous dans le système capitaliste, patriarcal tout le monde fait semblant d'être fort.ex
uniquement fort.ex,
seulement fort.ex,
jamais apeuré.ex
jamais effrayé.ex
laisse tomber mon vieux, laisse tomber ma vieille
autrement dit plus j'y réfléchis
moins j'y comprends quelque chose