On veut changer de point de vue. Une sorte de pylône électrique qui sert peut-être de vigie émerge des rails et surplombe même le pont, on dirait un phare sans paroi avec juste un squelette et une petite plateforme pour observer tout d'en haut. Mais on remarque aussi que cette tour est trop proche des caténaires, on connaît les histoires d'arcs électriques. Les rails sont encaissés dans la rue, dans la terre. Il y a des murs qui les longent, des immeubles, des rebords formés dans l'angle qu'il y a entre eux et le pont. On saute les barrières du pont, on se retrouve sur un des rebords.
Il y a une trappe au sol, je reconnais, deux poignées qui sortent quand on tire dessus, c'est verrouillé mais une grille est posée juste à côté, et elle est tout à fait amovible. Deux souris se glissent dans le sol à nouveau.
Les mêmes câbles, gaines, porte-câbles auxquels je me sens habituée maintenant, on atterrit au milieu d'eux alors que je pensais me retrouver sur les voies... quand on les longe on emprunte le même chemin que l'électricité et que les signaux de télécommunication. Tout est gris, tout est sale, c'est pareil qu'avant, c'est pareil que les prochaines fois, mais il y a moins de noms (que maintenant je connais) écrits sur les murs et les équerres, il n'y a pas de canettes ni de bouteilles sur le sol, il y a de plus gros tuyaux quand on avance un peu plus. Une pièce sur notre gauche, dont la grosse porte à poignée en forme de roue est entrouverte, les deux souris entrent, une petite trappe au fond, vite soulevée, elle ne découvre qu'une cavité remplie d'eau. Les deux souris continuent leur chemin dans la galerie. De gros tuyaux, ça remonte un peu... un trou dans le mur, dans lequel les tuyaux s'enfoncent comme de grosses couleuvres. Les souris suivent les couleuvres.
Du bruit qui vient de la pièce, lorsqu'on repasse devant, au fond une autre porte ; elle grince en s'ouvrant sous l'effet d'un courant d'air... je jette ma tête dans l'encadrement, j'ai envie de crier, je me mets la main (la patte?) devant la bouche comme dans un film ; des rails qui partent vers l'infini ponctués d'une station à gauche, une station à droite. Une énorme chenille de fer à compartiments, blanche et vert d'eau, vient de passer en faisant hurler ses guides métalliques cloués au sol. Les parois du tunnel sont pleines de coulures et de poussière agglutinée, je ne parviens pas à voir s'il y a des graffitis sur les murs. Deux souris restent bouche-bée face à leur découverte. Le rail du milieu est mortel, il nous enverrait la châtaigne de notre vie si l'on osait y toucher, c'est ce qu'on raconte et c'est ce que je préfère croire, je suis paralysée par l'excitation et le risque provoqués par cette découverte.
La souris a de la peinture dans son sac, c'est trop suspect pour jouer aux malin.es et on se sauve par notre trou en tremblant de surprise.