C’est très compliqué, j’ajuste mes lunettes et je remue dans tous les sens pour essayer d’y voir plus clair, la plupart du temps je me sens comme au milieu d’une garrigue épaisse, bio-diversifiée certes, mais comptant son lot d’épines, parfois bien cachées.
Je zigzague au milieu des buissons et des branches. C’est très beau mais on m’apprend tous les jours maintenant à bien regarder ce qui se cache sous les feuilles. Je ramasse des fleurs, des fruits et surtout des ami.exs sur le chemin, et parfois ce sont les ami.exs qui me ramassent.
L'après quoi ? = l’objet du stress
Les problèmes de l’extérieur/du futur infusent le présent(l’école)
Les problèmes du présent(l’école) infuseront-ils le futur ?
non !

Quel casse-tête, vu de l’extérieur, n’est-ce pas ?
Pourtant hier encore (nous sommes aujourd’hui, lorsque j’écris ce texte, un 8 décembre), avec deux amies nous nous confiions nos fatigues et colères mutuelles face à tous ces problèmes qui font le papier peint de notre belle école.
Si l’on en parle autant c’est que l’on sait que ça existe, et que l’on sait que ça vaut le coup d’essayer de changer les choses. Ça vaut le coup parce que des fois ça fonctionne immédiatement, des fois ça sera pour les suivant.es, l’année d’après, trois années après, dix années après… moins le résultat est immédiat, plus il faut faire appel à ses ressources de patience et de projection, mais c’est aussi un des effets et peut-être un des buts des actions solidaires.

Les dynamiques de réflexions et de travail collectifs (ou non) sur les enjeux de tout ça, les rapports de pouvoir, les discriminations, les problèmes avec la reconnaissance du travail et l’argent se multiplient, parce que les rapports de pouvoir, les discriminations et les problèmes avec la reconnaissance du travail et l’argent se multiplient, ou bien simplement ne cessent pas d’exister.
Il n’y a pas que les réflexions qui comptent, il y a aussi les actions, mais
y réfléchir à plusieurs, on sait à quoi ça sert : ça permet de mettre des mots sur les choses, de leur donner une existence verbale, puis ensuite on peut les écrire, ou bien les répéter, ou les enregistrer, … on multiplie les points de vue et surtout
on accorde du temps, de l’énergie et des discours aux soucis qui nous assaillent/que l’on constate/qui assaillent les ami.exs donc
on étudie ensemble toutes ces choses
on fait émerger de nouveaux savoirs et on s’en partage ? sur ces questions-là qui nous concernent/concernent nos proches
en créant de nouveaux savoirs on fait naître des éclaircissements,
on allume des frontales
on se donne des piles

Retour sur « on accorde du temps, de l’énergie et des discours aux soucis qui nous assaillent/que l’on constate/qui assaillent les ami.exs » :
c’est aussi une façon de se guérir à plusieurs, à défaut d’avoir pu prévenir parfois ?

Je pense que tout ce que je dis a un goût de redondance peut-être, mais tant que les problèmes existent il faut chercher des solutions
Si on lâche, que va-t-il se passer ?
Rester ou sortir ?
Si je sors est-ce que je sors toute seule ?
Qu’est-ce que je souhaite quitter si je sors, déjà ?
la précarité, le syndrome de l’imposteuse, le mépris de classe (le mépris tout court ?), les heures de travail gratuit, les angoisses terribles ?
Qu’est ce que je veux reproduire/retrouver si je sors, ensuite ?
La solidarité, les bons moments, l’harmonie, l’inspiration, les ami.es, l’entraides, les choses belles, les choses qui font du bien

donc : dicussion/réflexion précède action
mais aussi : discussion/réflexion = action = construction = renfort
Depuis que j'ai commencé à écrire ce mémoire,

je ne fais qu’en discuter avec mes ami.exs, collègues, camarades d’école.
En réalité nous ne discutons pas de mon mémoire à proprement parler, de mes écrits à moi et de mes idées seulement, mais de ce qui l’anime au fond, ce qui fait son lit, son papier peint.
Ce qui fait son lit et son papier peint, c’est ce qui fait mon lit et mon papier peint aussi, c’est ce sur quoi je dors et ce qui m’entoure, le quotidien de la structure dans laquelle j’essaye tant bien que mal d’évoluer, d’avancer, c’est l’école ;
l’école en ce moment,
c’est les intrusions des problèmes, ce sont les failles dans le fonctionnement, la hiérarchie, les dynamiques d’oppression, les discriminations en tout genre, le stress, le poids de la volonté de bien faire, le syndrome de l’imposteur.euse, l’infantilisation des étudiant.exs, les rapports de pouvoir,

en face c’est aussi la vie sociale animée, les rencontres, les professeur.euxses/intervenant.exs/membres du personnel et de l’administration qui soutiennent, les moments de joie, le jardin, les ami.exs, le partage, les choses que l’on apprend.

C’est tout ça englobé par l’idée à la fois si vague et si immense de « l’après ».
« L’après » c’est le monde du travail, le monde de l’art ; dans la vision la plus pessimiste que j'en ai, c’est ce qui nous attend sans pour autant nous prévoir la moindre place, c’est ce qui existe derrière des pans de verre dont les ouvertures sont si secrètes et si tranchantes qu’il faut en amont déjà effectuer tout un travail pour espérer passer à travers. C'est ce qui existe, perché sur un escalier de cristal translucide et éblouissant, dont on essayerait pourtant de nous faire croire qu’il n’existe pas, quand bien même il reproduit les strates de mépris de classe et de discriminations en tout genre de la société actuelle qui m’entoure, brutale, néo-libérale, capitaliste, patriarcale.

Pour autant,
dans la vision la plus optimiste que j’en ai,
« l’après » c’est aussi ce qui va suivre et poursuivre les liens, forts, affectueux et tenaces, et cohérents, tissés avec les personnes présentes le long de ce parcours de plusieurs (beaucoup) d’années que constitue le temps passé à l’école (les différentes écoles supérieures d’art que j’ai fréquentées en tout cas jusque-là). C'est ce qui va matérialiser, peut-être, nos années de soutien, d’entraide et de motivation face au champ rempli de vent et de points d’interrogations que constitue le futur, notre futur. C'est l’occasion de montrer tout ce que l’on sait faire, tout ce que l’on a envie d’apprendre et ce que l’on a envie de déconstruire, de casser, ce que l’on veut rejeter en bloc par-dessus tout. C’est le minerai d’espoir que l’on creuse toustexs ensemble, lentement, avec parcimonie par moments et de façon abusive d’autres fois, et les maisons et les cabanes et toutes les choses que l’on arrive à construire avec.

plusieurs solutions :
s’agit-il d’un aiguillage comme pour le trajet d’un train et il faut qu’une personne s’occupe de diriger les rails dans une direction ou dans l’autre
s'agit-il d’un bouillon infernal où tout nage en rond sans cesser de se poursuivre et où il faut nager à l’infini pour ne pas finir au fond
s’agit-il d’une lutte à mener depuis un « camp » contre l’autre
s’agit-il d’un paysage uniforme dans lequel, parfois, on peut repérer des affinités pour une chose ou pour une autre
s'agit-il de…

(paysage sombre mais lueur d'espoir
ici)
« L’après », le fait d’avoir peur de l’après c’est aussi peut-être la peur d’être seule qui prend le pas sur les réflexions rationnelles ; on se partage beaucoup de choses, on réagit à nos aventures, nos travaux, nos idées, on s’entraide, on se soude, on s’accompagne… Qu’est ce qu’il reste si jamais on enlève le « on », « on » dans le sens « nous » ?
Mon travail, nos motivations peut-être n’existent plus si jamais les yeux qui les regardent, les oreilles qui les entendent, les émotions qui en découlent disparaissent, s’évaporent comme par magie ?
Que se passe-t-il quand les collègues sont aussi les amiexs ?